Sandra BOUJNAH est diplômée à l'IPSA de Paris en 2009, option « Énergétique et Propulsion » puis « Conception des Systèmes Spatiaux », en étant major de sa promotion. Elle a travaillé précédemment chez ArianeGroup et a rejoint en 2018 le Centre National d'Etudes Spatiales. (CNES)
Question: Pourquoi avoir choisi le domaine de l’Aérospatial et plus particulièrement la spécialisation en propulsion ?
Réponse: Le domaine de l'espace est une passion depuis mon plus jeune âge. A l'époque où je n'étais qu'à l'école primaire j'avais participé à un atelier micro-fusée où avec un groupe d'enfants nous avions chacun fabriqué le corps de la fusée en carton, ajouté une touche de peinture (la mienne était aux couleurs de celle de Tintin), puis des professionnels y ont ajouté un petit moteur et nous avons pu réaliser les tirs depuis un terrain adapté. L'aérodynamique de la mienne n'était pas optimale, son vol n'a pas été très réussi mais je garde un très bon souvenir de cette expérience. Pendant mes études au collège-lycée le souhait de faire de l'espace un métier est resté très présent et il était donc tout à fait cohérent que je me dirige vers l'ingénierie aérospatiale, d'autant que j'appréciais tout particulièrement les matières scientifiques. C'est cependant au cours de la fin de mes études lorsque j'étais déjà en école spécialisée du domaine, l'IPSA, que s'est précisé la spécialisation en propulsion. J'ai pu aborder divers sujets du domaine dans cette école mais c'est réellement la partie propulsion qui a retenu mon attention, et cela s'est précisé lors de mes stages en entreprise au cours de ma formation.
Question: Quel parcours avez-vous suivi pour y arriver et quels souvenirs en gardez-vous ?
Réponse: Après mon bac en 2004 je suis entrée en classe préparation PCSI au lycée Saint Louis à Paris. Après les deux années de classe préparatoire j'ai choisi de rejoindre l'IPSA qui est une école spécialisée dans le domaine aéronautique et spatial. La partie école de mes études est évidemment la plus appréciable car j'ai pu étudier des sujets passionnants et me lier d'amitié avec de nombreux camarades de promotion, dont l'un d'entre eux est par ailleurs un collègue au CNES à Paris à ce jour. En plus de la formation reçue pendant les cours, comme toute école nous avons eu à réaliser des stages, mon premier stage dans l'univers de l'aérospatial s'est déroulé à Vernon, chez Snecma à l'époque désormais ArianeGroup, un vrai premier pied à l'étrier de la propulsion. Pour mon stage de fin d'études il s'est déroulé au CNES, à Evry à l'époque, dans le service où je travaille actuellement, système moteur et ensembles propulsifs. Au cours de ce stage je suis entrée en contact avec un ancien de mon école d'une promotion précédente, m'informant de l'ouverture d'un poste en propulsion à Sogeti High Tech sur le site des Mureaux pour Astrium à l'époque, désormais ArianeGroup. Après avoir fait mes armes dans cette première société j'ai été embauchée par ArianeGroup dans le service propulsion liquide des Mureaux. Depuis 2018 après une petite dizaine d'année dans le domaine de la propulsion spatiale pour l'industrie j'ai été embauchée à la direction des lanceurs du CNES à Paris Daumesnil sur le poste d'Ingénieur en Propulsion et Démonstrateurs.
De nombreux souvenirs se sont forcément forgés pendant ces années, mais ce qui est particulier dans ce domaine, notamment la propulsion spatiale qui est une niche dans une niche, c'est qu'il s'agit d'un milieu où beaucoup de monde se connaît et où l'on peut recroiser de nombreuses personnes avec qui l'on a travaillé auparavant. J'ai eu l'opportunité de rencontrer les bonnes personnes au bon moment et cela m'a aidée à me faire une place dans ce domaine où je rêvais de travailler.
Question: Rencontrez-vous des difficultés en tant que femme dans ce domaine ?
Réponse: J'ai eu la chance de ne pas avoir rencontré de difficulté du fait d'être une femme dans ce domaine, mais comme tout le monde des difficultés en général. En tant que femme au cours des études on ne représentait que 10% de ma promotion et forcément autant on met du temps à connaître tout le monde, autant il est plus facile de retenir les noms des filles de la promotion pour les autres donc je dirais que ça facilite la prise de contact. Au cours de ma vie en entreprise cela a plutôt été entouré de bienveillance de la part de mes pairs masculin, et je n'ai pas non plus connu de difficultés avec mes homologues féminines. J'ai aussi côtoyé de nombreuses femmes que ce soit dans mes services à ArianeGroup ou au CNES ou des chefs de projets, car même si les femmes restent encore bien moins présentes que les hommes dans ce domaine, il y a de nombreuses femmes dans le domaine aérospatial.
Si je dois soulever une difficulté néanmoins, ça aurait été plutôt au cours de mes études, n'ayant aucun ingénieur dans mon entourage mon choix d'études a été plutôt une surprise pour mes proches, comme ce n'était pas quelque chose de commun pour une fille, et ne sachant pas quelle était la meilleure manière d'atteindre mon objectif j'ai fait mes recherches et mes choix seule. Cela dit même s'ils n'avaient pas les connaissances pour m'aiguiller, mon choix a toujours été soutenu par mes proches qui avaient bien compris que c'était un souhait plutôt convaincu de ma part.
Question: Est-ce que depuis vos débuts à aujourd’hui, il y a eu une évolution dans ce milieu ?
Réponse: Je n'ai pas l'impression que le milieu en lui-même ait changé, mais j'en ai un avis positif depuis le début sur ce sujet, et je n'y suis que depuis une dizaine d'années. Par contre je pense qu'au niveau des études de plus en plus de jeunes filles se tournent vers des métiers scientifiques alors que c'était très marqué métier d'homme auparavant. Sur ce point cela va dans le bon sens qu'elles puissent envisager toutes les possibilités de carrière qui s'offre à elle sans se dire que ce n'est pas un métier de femme, car s'en est un autant qu'un métier d'homme à mon sens, chaque personnalité offrant sa propre diversité au domaine.
Question: Si vous n’étiez pas devenue ingénieur, qu’auriez-vous voulu faire ?
Réponse: Quand j'étais plus jeune j'aurais aussi souhaité faire de la recherche en astrophysique, mais cela reste encore sur le même thème. Dans un domaine totalement différent, si je n'avais pas eu autant d'affinité avec les sciences j'aurais aimé être comédienne, mais j'ai gardé cette affinité là pour le loisir, je fais du théâtre amateur depuis plus d'une dizaine d'année et je fais à ce jour partie d'une troupe amateur montée avec des amis connus en cours de théâtre.
Question: Avez-vous eu, ou avez-vous toujours un modèle qui vous a inspiré vers cette carrière ?
Réponse: Non je n'ai pas de modèle en particulier, j'ai rencontré au cours de mes études et de ma carrière des personnes très inspirantes et qui donnent envie de continuer à travailler dans ce domaine mais pas de modèle en particulier.
© Adama Toulon