Greta Gerwig est une actrice, scénariste et réalisatrice américaine. S’imposant d’abord dans l’industrie hollywoodienne en tant qu’actrice, elle fait petit à petit son chemin derrière la caméra, en tant que scénariste puis comme réalisatrice. Aujourd’hui, Gerwig est considérée comme une figure du cinéma indépendant et une icône féministe incontournable dans une industrie encore majoritairement masculine.
Elle se fait remarquer au début des années 2000 en travaillant sur plusieurs films de type mumblecore, un sous-genre du cinéma américain indépendant caractérisé par un jeu d'acteur et des dialogues naturalistes et des productions à petit budget. Elle joue notamment dans plusieurs réalisations de Joe Swanberg, entre 2006 et 2009, dont certaines qu’elle a coécrit et coréalisé.
En 2012, elle collabore avec son partenaire Noah Baumbach sur le film "Frances Ha", pour lequel elle est nommée aux Golden Globe Awards dans la catégorie Meilleure actrice dans un film musical ou une comédie.
C’est en 2017 qu’elle confirme ses talents de réalisatrice avec le film "Lady Bird", nommé pour pas moins de seize prix, notamment aux BAFTA Awards, aux Academy Awards et aux Golden Globes. Sur ces seize nominations, Gerwig en remporte six. Aux Oscars 2018, elle est nommée au titre de Meilleure réalisatrice, faisant d'elle la première femme en huit ans et l'une des cinq femmes seulement dans l'histoire de la cérémonie, à être nommée dans cette catégorie.
Deux ans plus tard, Gerwig s’impose de nouveau dans l’industrie hollywoodienne en réalisant le long-métrage "Little Women" ("Les Filles du Docteur March" en français), une adaptation du roman éponyme de Louisa May Alcott.
Inspirée par ses propres expériences, Gerwig déclare qu’elle a "tendance à commencer par des choses de [sa] propre vie, puis très vite, elles partent dans leur propre orbite". Elle pousse d’ailleurs ses acteurs à incorporer un peu de leur personnalité dans leurs performances, et dit de son écriture et de sa mise en scène que "tout repose sur les acteurs". Elle reste cependant très attachée au scénario et laisse peu de place à l'improvisation.
Nommée en 2018 dans la liste annuelle Time 100 des personnes les plus influentes du monde, elle confirme ce titre en 2023 avec sa nouvelle réalisation, la comédie fantastique "Barbie", coécrit avec Noah Baumbach. Basé sur les poupées Barbie de Mattel, il s'agit du premier film en prise de vue réelle, après de nombreux films animés.
Le film devient rapidement un succès international et fait de Greta Gerwig la première réalisatrice solo au monde à franchir le milliard de dollars de recettes, après seulement 17 jours au box-office.
Réalisé par une femme, pour les femmes, sur les femmes, "Barbie" est d’ores et déjà une ode au féminisme et à l’égalité dans laquelle Gerwig s’amuse à déconstruire l’image de la poupée stéréotypée, et à faire valoir le potentiel et la voix de toutes les femmes.
"Je veux que le film permette aux gens de se sentir un peu soulagés de cette corde raide. Nous nous demandons - pas seulement en tant que femmes, mais aussi en tant qu'hommes - comment marcher sur cette corde raide impossible qu'est la perfection. Barbie a toujours été le symbole de cette chose que l'on ne peut jamais atteindre parce qu'elle ne pourrait pas se tenir debout si elle était un être humain. Je voulais donc inverser cette idée et trouver un moyen de permettre à chacun d'être soi-même et de savoir que c'est suffisant. […] Barbie, en tant qu'idée, en tant que marque, avait pour mission d'inspirer les filles à devenir ce qu'elles voulaient être en tant que femmes adultes. Et je pense qu'il est très important qu'une femme adulte parle de toutes ces contradictions impossibles." – Greta Gerwig, wbur.org, 21 juillet 2023
Dans une interview pour le magazine RollingStone (3 juillet 2023), Gerwig s’exprime sur l’appellation "féministe" du film. Pour elle, il s’agit davantage "d’humanisme", car l’idée qu’elle souhaite transmettre n’est pas d’avoir un sexe qui règne sur l’autre, mais de trouver un équilibre, pour vivre ensemble sur un pied d’égalité.
"Je pense que le film est avant tout humaniste. À Barbieland, Barbie est entièrement en phase avec son environnement. Même les maisons n'ont pas de murs, parce qu'on n'a jamais besoin de se cacher, parce qu'il n'y a pas de raison d'avoir honte ou d'être gêné. Se retrouver soudainement dans le monde réel et souhaiter pouvoir se cacher, c'est l'essence même de l'être humain. [...] Bien sûr, je suis féministe. Mais ce film traite également de [l'idée que] toute structure de pouvoir hiérarchique qui évolue dans n'importe quelle direction n'est pas si géniale. Vous allez chez Mattel et on vous dit : "Oh, Barbie est présidente depuis 1991. Barbie est allée sur la lune avant que les femmes puissent obtenir des cartes de crédit". Nous avons en quelque sorte extrapolé à partir de là que Barbieland est un monde inversé [où les Barbies règnent et les Kens sont une sous-classe]. La structure inversée de Barbieland, quelle qu'elle soit, ressemble presque à la Planète des singes. Vous pouvez voir à quel point c'est injuste pour les Kens parce que c'est totalement insoutenable."
***SPOILERS. Le paragraphe qui suit contient des informations détaillées sur la fin du film "Barbie".
Gerwig parle également, dans une interview pour USA Today Entertainment (22 juillet 2023), de la dernière scène du film et de la dernière réplique de Barbie qui, entrant dans un immeuble pour ce qui semble être un entretien d'embauche, arrive rayonnante devant le bureau d'une réceptionniste et prononce ces quelques mots : "Je suis ici pour voir mon gynécologue".
"Avec ce film, il était important pour moi que tout fonctionne sur au moins deux niveaux. Je savais que je voulais terminer sur une sorte de blague ‘mic drop’, mais je trouve aussi que c'est très émouvant. Lorsque j'étais adolescente, je me souviens d'avoir grandi et d'avoir été gênée par mon corps, et d'avoir eu honte d'une manière que je ne saurais même pas décrire. J'avais l'impression que tout devait être caché. Et puis, voir Margot [Robbie] dans le rôle de Barbie, avec ce grand sourire sur le visage, disant ce qu'elle dit à la fin avec tant de bonheur et de joie. Je me suis dit : si je peux donner aux filles ce sentiment de "Barbie le fait aussi", c'est à la fois drôle et émouvant. Il y a tellement de choses comme ça tout au long du film. Il s'agissait toujours de rechercher la légèreté et le cœur."
Avec son film "Barbie", Gerwig remet à jour un jouet qui fut d’abord créé pour donner aux petites filles le pouvoir de rêver et d’être ce qu’elles voulaient, avant d’être manipulé et sexualisé par la société patriarcale pour les recadrer dans des stéréotypes genrés et discriminants. En humanisant Barbie, Gerwig redonne la parole aux femmes et redonne vie à l’idée d’origine de Ruth Handler, la créatrice de la mythique poupée.
Scénariste et réalisatrice de toutes ses productions, Greta Gerwig incarne la réussite à tous les niveaux et ouvre aujourd’hui une nouvelle porte pour les femmes dans l’industrie cinématographique, mais aussi pour toutes les jeunes filles et les femmes dans le monde, quel que soit leur domaine ou leur rêve.
© Article par Julie Henry Poutrel pour Adama Toulon.
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